[Lycée Jacques Le Caron] Rencontre avec Mohamed aka Ghanou, peintre et rappeur

Salut Mohamed, est-ce que tu pourrais te présenter ?
Je m’appelle Mohamed Derkaoui, j’ai 19 ans et je suis en bac pro Aménagement et Finition au Lycée Jacques Le Caron d’Arras.

Comment t’es-tu intéressé à la peinture ?
Je faisais des dessins quand j’étais petit, c’était un passe temps. En 3ème, j’étais un peu perdu, j’avais plus de repères. On m’a proposé de venir à Jacques Le Caron, j’suis venu faire 3 jours d’immersion et j’ai remarqué la formation en peinture. Et c’est parti de là.

Comment as-tu trouvé ton style ?
Ça m’est venu comme ça, je parlais avec Mr Labitte (professeur de peinture), je lui ai parlé de mon parcours dans le dessin et il m’a dit « Tu sais quoi ? C’est le moment, prouve moi ». Il m’a ramené un tableau, on a choisi le dessin et il m’a dit « Vas y ».

Tu t’inspires de tableaux / photos qui existent déjà ?
Oui c’est ça, et après je rajoute ma touche mais je fais aussi des trucs plus perso.

Qu’est ce que tu cherches à transmettre via ton art ?
C’est largement un moyen d’expression, je me sens bien quand je commence à dessiner, ça m’apaise. Je veux que les gens ressentent un truc au fond d’eux quand ils voient mes dessins.

Est-ce que tu te considères comme un artiste engagé ?
Un artiste ? Non.
Mais j’essaie de passer des messages via les émotions.

Tu utilises du noir auquel tu rajoutes de la couleur, pourquoi ?
Le noir est une couleur sombre, ça ne transmet pas de joie. Si on rajoute une couleur flash comme je le fais, ça attire le regard de la personne et ça adoucit le côté sombre et triste. Le noir ça me permet de faire passer les émotions.

         

Quel est ton nom d’artiste ? D’où vient-il ?
C’est Ghanou. Abdelghani, c’est mon deuxième prénom, et c’est un peu long. Un jour, quand j’étais encore en Algérie, ma grand-mère m’a surnommé comme ça et c’est resté.

Tu es en 1ère Aménagement et Finition, est-ce que tu y trouves ton compte ?
Bien sûr que je m’y plais. Je suis super minutieux, je suis à fond dedans. En fait, en Aménagement et Finition, tu travailles dans des cabines, le professeur te propose un travail à faire et tu l’appliques. En seconde, on fait surtout du dessin et des trucs assez simples parce qu’on connait pas le métier de peintre, on connait pas les techniques. C’est là que j’ai pu un peu montrer mes dessins à Mr Labitte et Mme Mahy (professeurs en peinture), ils étaient plutôt impressionnés. Et là, j’suis bien dans ma branche, c’est cool.

Est-ce que tu te sens encouragé par le lycée dans cette passion de la peinture ?
Carrément ! On me confie des projets comme ceux du mur du 2ème étage et là, j’ai un gros projet qui va me prendre vachement longtemps dans le hall du lycée. Je vais faire un grand dessin en 3D, j’ai hâte !
Mr Labitte, Mme Mahy et Mr Cuvelier sont à fond derrière moi, ils m’encouragent beaucoup. Je suis super reconnaissant de la confiance qu’on me donne.

Tu t’inspires de photos mais tu fais aussi des tableaux qui sortent de toi. Est-ce que lorsque tu travailles sur un tableau tu sais déjà où tu veux aller, ou alors tu te laisses porter ?
Quand je prends mon carnet pour me libérer un peu lorsque j’en ai trop sur les épaules, je commence le dessin, je laisse parler mon moi, je ne sais pas où ça va me mener, ni comment ça va finir. A la fin je me retrouve avec un dessin qui n’a pas été réfléchi et qui sort de moi, qui représente le poids que j’avais sur les épaules.

Quelle est l’oeuvre que tu as réalisée dont tu es le plus fier ?
Le tableau pour Mr Cuvelier (référent culture). Mon premier tableau, il m’a laissé ma chance et je lui ai donné pour le remercier de m’avoir fait confiance. Il représente beaucoup pour moi. Mr Cuvelier a cru en moi, il m’a dit : « Toi, t’as quelque chose, t’as une touche. Tu donnes des conseils à tes camarades, t’es investi. Le bâtiment, ton côté artistique, tu vas me prouver que tu peux faire un sacré truc. »

 (le tableau réalisé pour Mr Cuvelier)

A quel moment tu t’es dit que tu voulais partager ton art et ta vision des choses ?
Vraiment c’était cette année, quand Mr Cuvelier a mis sa confiance en moi. Ça a un peu tout déclenché. Mais en dehors du lycée, je fais de la musique et j’ai une petite notoriété. Il arrive qu’on me reconnaisse dans la rue et qu’on me dise « Eh mais c’est Ghanou ! »

Tu es aussi dans la musique ?
Je fais du rap, j’écris mes textes moi-même qui s’inspirent de ma vie. J’avais écrit quelques textes au tout début mais c’était vraiment pour moi, pour me libérer. Ils étaient super personnels et personne n’était au courant.
Un jour j’étais avec un ami dans sa voiture, il m’a balancé une instru et j’ai commencé à rapper sur le premier texte. Il était choqué, dans le bon sens. Et c’est parti de là.
Ça a commencé doucement, on m’a proposé d’aller en studio, puis on m’a proposé un concert. Je devais faire la fête de la musique cette année mais avec la crise sanitaire, ça a été annulé.

En voyant ton art, ce que tu es capable de créer, est-ce que ça te redonne confiance en toi ?
Des fois, j’suis en studio, ça veut pas, ça bloque. J’arrive pas à sortir mon couplet mais j’me dis que je sortirai pas d’ici tant que j’y suis pas arrivé parce que je sais que je peux le faire. J’suis déterminé. Une fois que t’y es parvenu, t’es fier de toi peu importe le temps que ça te prend. Tu te dis « J’en suis capable, j’peux le faire. »

Quel sentiment ça te procure de savoir que tu peux toucher les gens avec ton art ?

« Quand tu fais un truc avec le coeur, ça va forcément toucher des gens parce qu’ils vont ressentir que t’y as mis ton toi, en fait. »

T’as pas juste écrit pour te dire « j’vais écrire un truc vite-fait parce que j’ai un peu de temps devant moi ». Et je prends mon temps, le but c’est que ça résonne en eux.

Pour le moment, tu ne vis pas de tes passions artistiques, mais est-ce que tu aimerais que ce soit le cas ?
Au début je le gardais juste comme petite passion, je ne me rendais pas compte que j’étais capable de faire tout ça, je ne me voyais pas en vivre. Et puis, maintenant, ce sont des passions qui prennent plus de place et j’aimerais leur laisser la place qu’elles méritent d’avoir. Mais je veux quand même travailler dans le bâtiment, j’ferais mes petits tableaux à côté et pourquoi pas proposer ça sur des chantiers. Certains clients seront peut-être intéressés.

Un message que tu voudrais faire passer ?
Je suis déterminé, mon histoire en dit beaucoup.
J’suis arrivé il y a 3 ans en France. J’suis né en Algérie et j’ai grandi là-bas. J’avais rien, j’étais perdu, la situation était compliqué. L’art, c’est pas super développé là-bas, tout le monde s’en fout. Je me sentais pas à ma place. Quand je suis arrivé en France, je me suis rendu compte que j’avais la possibilité de faire beaucoup de choses. J’suis pas venu en France exprès pour ça mais c’était sûrement le destin. Crois en toi, tu peux faire de grandes choses.

Tes parents te soutiennent ? Comme tu dis que l’art c’est pas trop développé en Algérie, ils y voient une vraie voie d’avenir ?
Mes parents me soutiennent à fond, j’ai vraiment de la chance. D’ailleurs, petite anecdote: quand j’ai fait mon tout premier concert, ma mère ne me croyait pas du tout. Quelques jours plus tard, je leur ai ramené les places VIP et ils y ont assisté. J’étais en plein concert, je la vois, elle se met à pleurer. Je pouvais pas continuer, je lâche mon micro, je vais la voir, je la prends dans mes bras. Elle me dit « Mais non, je pleure pas de tristesse, je suis pas triste, je suis fière de toi. Vas continuer ton morceau. »
Je leur dois beaucoup, sans eux je n’aurais pas eu cette chance.

Un message pour les jeunes qui sont perdus comme toi tu as pu l’être ?

« Faut écouter ton coeur. Ta tête te dira toujours beaucoup de choses, des trucs contradictoires, des trucs qui partiront dans tous les sens parce que tu vas trop réfléchir. Ton coeur sait ce qui te conviendra. »

J’ai écouté mon coeur quand il m’a dit de me lancer dans un bac pro ici et de laisser mes passions s’exprimer. Jacques le Caron c’est le Bâtiment, le Bâtiment pour moi c’est la peinture, la peinture les dessins et les dessins, c’est moi.

Le mot de la fin ?
Je veux remercier tout le monde ici, tous les professeurs, le proviseur, tous ceux qui ont cru et croient encore en moi. Merci de m’avoir donné ma chance.

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